Le romancier est-il un lecteur frustré ?
Je vais parler de mon propre cas, celui que je connais le mieux 🙂 Loin de moi, l’idée de généraliser.
En ce qui me concerne, je réponds oui à cette question. Je suis devenue romancière car je suis une lectrice frustrée : j’écris des histoires que j’aimerais lire. Ainsi j’écris sur des thématiques que j’aimerais voir aborder dans des romans. Je suis la lectrice impatiente, exigeante et avide de mes propres romans (enfin pour le moment, j’ai un roman écrit et un qui est en cours d’écriture…).
Je suis une grande lectrice, mais par phase. J’ai des périodes où je dévore les livres, c’est frénétique. Et puis, comme une source qui se tarit, j’arrête subitement. Tout simplement parce qu’ un filon s’est épuisé, parce que les lectures m’ennuient, parce que je ne trouve plus la perle rare qui parviendra à transcender ma lecture, à me transcender. Quand je suis à ce stade, j’avoue que j’ai le moral dans les chaussettes et j’erre comme une âme en peine dans les rayons de ma médiathèque en quête du Graal.
J’ai toujours aimé lire. Plutôt de la littérature de genre : polar, thriller psychologique, saga familiale et feel-good pour alterner avec un côté plus léger.
Ces derniers temps, en littérature, depuis le confinement, je me suis mise à pousser d’autres portes, par curiosité. C’est ainsi que j’ai découvert de nouveaux auteurs, dans des genres très différents :
Florilège de mes dernières trouvailles qui m’ont enthousiasmée :
- Jean Echenoz avec son roman Envoyée Spéciale : une plume ciselée et élégante, des digressions qui cassent le rythme du roman, un humour décalé.
- Solène Bakowski avec son roman Une belle intention : une plume alerte, rythmée, un merveilleux sens de l’intrigue
- Barbara Abel avec son roman Je sais pas : une très belle écriture et une façon incroyable d’instiller la tension au fur et à mesure de l’intrigue.
- Mélissa Da Costa avec son roman Tout le bleu du Ciel : une plume délicate, sensible dans laquelle je me suis lovée avec bonheur, une histoire originale, des personnages attachants, le cœur qui vibre au fil des pages.
- Laure Manel avec son roman La délicatesse du homard : un titre original, une idée d’histoire qui m’a séduite, une narration originale qui alterne le point de vue de deux personnages, un secret qui permet d’intégrer une dose de mystère, une belle histoire d’amour loin des clichés habituels.
J’aime ces coups de foudre littéraires qui jalonnent ma vie de lectrice : c’est toujours un moment spécial, très enthousiasmant.
Quand j’écris un roman, je suis exigeante comme la lectrice que je suis devenue au fil du temps, je cherche avant tout à satisfaire mon besoin d’émotions, à me transporter loin de tout ce que je connais en tant que lectrice. Je cherche à vibrer avec les personnages, à ressentir toutes sortes d’émotion, à être retournée comme une crêpe.
En tant que romancière et en tant que lectrice, je cherche la même chose : je veux avoir le cœur qui bat tout au long de ma lecture et de mon écriture. En écrivant ce billet, j’en prends soudainement conscience.
J’écris :
- sur des sujets qui me tiennent à cœur (l’adultère, la jalousie, les rapports mère-fille, les trahisons, la persévérance, l’amour, l’amitié, les secrets de famille, l’injustice, la réparation du passé, le pardon,….)
- sur des thématiques qui m’interpellent, me questionnent, me fascinent, me font rêver (dans mon premier roman, l’effeuillage burlesque, le féminisme, l’envie de partir au bout du monde)
- sur des lieux ou des personnages tombés dans l’oubli (mon premier roman plante le décor à Lapalisse, sur la Nationale 7)
Je relis mes écrits avec mon regard de lectrice : si je m’ennuie en lisant, si je ne ressens aucune émotion, j’essaie de comprendre pourquoi. Je tente alors de donner une nouvelle impulsion à la scène, je la réécris ou je la supprime si elle n’apporte rien à l’histoire. Ce n’est pas instantané, bien évidemment, il faut le temps de la gestation, de l’analyse : il faut digérer le fait que le chapitre est mauvais, mal écrit, qu’il ne me transporte pas ou qu’il me laisse totalement indifférente, qu’il n’apporte rien à l’intrigue, qu’il faut le relancer sur une autre piste.
Stephen King écrivait dans « Mémoires d’un métier », qu’il lisait beaucoup et qu’il fallait lire beaucoup si l’on voulait écrire des histoires. J’approuve à 100%. Lire est essentiel, nécessaire pour aiguiser son regard sur son écriture. Comprendre même intuitivement dans un premier temps pourquoi la mayonnaise ne prend pas, qu’il y a quelque chose qui cloche, qui manque, qui patine dans la choucroute !
La lecture m’a donné envie d’écrire mes propres romans. En tant qu’apprentie romancière, la lecture joue un rôle majeur : elle porte mon écriture, l’améliore, la nourrit.
Sans les livres, je ne serais pas parvenue au bout de l’écriture de mon premier roman, Shimmy, shimmy !